AFFAIRE DES ASSISTANTS PARLEMENTAIRES DU RN : NICOLAS BAY A LUI AUSSI FOURNI DES DOCUMENTS TRUQUéS à LA JUSTICE

Combien de fausses preuves de travail les cadres du Front national, devenu Rassemblement national (RN), ont-ils fourni à la justice pour tenter de justifier l’activité inexistante de leurs collaborateurs, rémunérés par l’Europe ? France Info et l’émission Complément d’enquête révèlent que, dans le cadre de l’enquête sur les assistants parlementaires présumés fictifs du FN, le député européen Nicolas Bay, aujourd’hui sans étiquette après être passé par le parti lepéniste puis avoir rejoint en 2022 Eric Zemmour, a donné aux juges des documents antidatés fabriqués en 2018. Il les a présenté comme ayant été réalisés par son ancien assistant parlementaire, Timothée Houssin – aujourd’hui député de l’Eure. Dans cette affaire, la justice suspecte le parti d’extrême droite d’avoir mis en place durant plusieurs mandatures européennes, notamment celle de 2014 à 2019, un vaste système visant à rémunérer sur des fonds européens de pseudo-collaborateurs qui travaillaient, en réalité, pour le parti. Outre le RN, 27 membres (dont Marine Le Pen) ou ex-membres de la formation d’extrême droite sont renvoyés à partir du 30 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris.

Comme Libération l’a révélé, plusieurs anciens assistants parlementaires ont fabriqué entre 2016 et 2018 de fausses preuves de travail pour tenter de berner la justice : l’ancien numéro 2 du Front national, Florian Philippot, témoin assisté dans cette affaire, a ainsi commandé en 2016 à l’un de ses collaborateurs la rédaction d’un faux rapport pour faire croire qu’il avait été rédigé par l’une de ses assistantes accusée d’emploi fictif, Ferial Mostefai. Le document de 52 pages, et daté du 6 mars 2015, se résumait alors en une succession de copiés collés de fiches Wikipédia, dont la plupart n’existaient pas avant 2016, période où elle n’était plus en contrat. Libération a aussi révélé que Jordan Bardella, actuel président du Rassemblement national, a participé à la fabrication de fausses preuves de travail antidatées à la période où il était assistant parlementaire de l’eurodéputé Jean-François Jalkh, en 2015.

«Il me les remettait au format papier»

Dans le cas des documents remis à la justice par Nicolas Bay en septembre 2018, il s’agit de revues de presse, présentées comme ayant été réalisées par Timothée Houssin, embauché par Bruxelles de juillet 2014 à mars 2015, à l’âge de 26 ans. Tous deux sont mis en examen dans l’affaire des assistants fictifs. Entendu par les juges le 7 septembre 2018, Nicolas Bay leur remet un document de 112 pages contenant 67 articles de journaux nationaux et locaux publiés entre le 1er septembre 2014 et le 27 février 2015. En bas de chaque page, apparaît l’inscription «revue de presse par T. Houssin - Assistant parlementaire de N. Bay». Or, selon France Info, plusieurs des articles de presse présents dans cette revue, bien qu’ayant bien été écrits dans la période du contrat de Timothée Houssin, ont été compilés a minima fin mars 2018. France Info a en effet comparé les captures d’écrans des sites d’informations qu’on y trouve, et certains renvoient vers d’autres articles, qui n’existaient pas avant cette date.

Devant les juges, Nicolas Bay avait pourtant assuré que les documents remis étaient bien «les revues de presse réalisées par Timothée Houssin entre septembre 2014 et février 2015». «Comment expliquez-vous que M. Houssin n’a pas été en mesure de nous remettre les éléments que vous me remettez aujourd’hui ?» lui demandent alors les juges. Réponse de l’eurodéputé : «Concernant les revues de presse, il me les remettait sur mon bureau le plus souvent au format papier. Je les ai retrouvées dans mon bureau de député à Bruxelles.»

«Ce n’est pas moi»

Interrogé par France Info, Nicolas Bay affirme désormais que, pour préparer son audition de l’époque, et «afin que la juge puisse appréhender la nature [du] travail» de Timothée Houssin, «[s]on équipe, en 2018, a compilé ces articles de presse [dont] quelques-uns étaient manquants et ont donc été retrouvés sur le Web et réimprimés». «Il n’y a donc aucune fausse preuve de travail, tente-t-il. Je n’ai jamais prétendu auprès de la justice ni auprès de quiconque que ces documents, dans leur forme fournie à la juge, dataient de 2014.» Un mensonge.

Timothée Houssin, lui, a une autre version : «Ce n’est pas moi qui ai remis les pièces présentes au dossier au juge et je n’en ai jamais eu connaissance. Ces revues de presse ne correspondent pas, sur la forme, à mon travail. Je n’ai pas produit ces documents en l’état, ni durant mon contrat avec Nicolas Bay ni après.»

2024-09-16T13:14:12Z dg43tfdfdgfd