EN ALLEMAGNE, LES VERTS éCLABOUSSéS PAR DES RéVéLATIONS SUR LA SORTIE DU NUCLéAIRE

Il y a tout juste un an, l'Allemagne scellait sa sortie définitive du nucléaire. Le petit soleil souriant « L'atome ? Non merci ! », symbole de la longue lutte acharnée des militants antinucléaire, triomphait. Devant la porte de Brandebourg, sous un petit crachin, quelques dizaines d'entre eux étaient venues célébrer ce grand jour. Le 15 avril 2023, les trois dernières centrales étaient débranchées en Allemagne.

Un Sonderweg ? cette doctrine politique qui définit le particularisme allemand ?, tandis qu'en France, le président Emmanuel Macron annonçait la relance du programme nucléaire avec la construction d'une nouvelle génération de miniréacteurs et que de nombreux pays occidentaux se demandaient si le recours au vent et au soleil suffirait à garantir en toute saison leur approvisionnement énergétique.

À LIRE AUSSI Robert Habeck, le Vert allemand qui rompt avec le pacifismeRobert Habeck, le ministre vert allemand de l'Économie et de la Transformation climatique, le promettait : seule, la plus grande puissance économique européenne et numéro quatre au niveau mondial allait parfaitement se débrouiller sans le nucléaire et accélérer la transition vers les énergies renouvelables.

À ceux qui lui demandaient s'il ne valait pas mieux prolonger la durée de vie des centrales encore en activité alors que la Russie en guerre venait de fermer les robinets du gazoduc Gazprom et que l'Allemagne, fortement dépendante du gaz russe, connaissait la plus grave crise énergétique de son histoire, Robert Habeck répondait qu'aucun argument ne justifiait une telle décision. Pas question de faire machine arrière. La sortie du nucléaire fait partie de l'ADN des Verts allemands. C'est un de leurs principaux chevaux de bataille depuis des décennies.

Ce que révèle le magazine Cicero

Une enquête du magazine Cicero jette une lumière nouvelle sur cette période du printemps 2022. « Les dossiers secrets de Habeck. Comment les Verts ont triché sur la sortie du nucléaire », titre le journal dans sa dernière édition. Soucieux de comprendre le processus qui a mené à une décision aussi catégorique, Cicero avait à l'époque demandé au ministère de l'Économie et du Climat le droit de jeter un ?il sur les mails échangés et sur les comptes rendus des discussions menées à l'époque au sein du ministère. La requête avait été refusée.

Le magazine, qui a fait appel en justice, vient obtenir gain de cause. Après avoir épluché à la loupe les piles de documents qui lui ont été remis, Cicero aboutit à une conclusion édifiante : les hauts fonctionnaires du ministère ? des Verts pour la grande majorité ? auraient systématiquement ignoré l'avis des experts consultés (et payés par les deniers du contribuable, précise le journal).

Ceux-ci avaient lancé plusieurs signaux d'alarme concernant la sécurité de l'approvisionnement énergétique après le début de la guerre en Ukraine et recommandé un report de la sortie totale du nucléaire. Personne, affirme Cicero, n'aurait pesé le pour et le contre, étudié les différents arguments et tiré les conséquences qui s'imposaient.

Une affaire semblable contribue à la défiance des citoyens envers la politique.Le rédacteur en chef de « Cicero »

Une série de questions compromettantes sont donc posées aujourd'hui : les Verts ont-ils ignoré l'avis des experts par aveuglement idéologique ou par souci de conforter coûte que coûte leur vieille croyance dans les dangers du nucléaire ? Robert Habeck a-t-il pris connaissance de ces rapports et préféré les ignorer pour ne pas compromettre son projet phare, la sortie totale du nucléaire à l'automne 2023 ? Ou bien les hauts fonctionnaires de son ministère ne l'ont-ils pas informé de l'avis défavorable des experts ?

Les équipes chargées du dossier nucléaire au ministère auraient rusé pour tromper l'opinion publique, voire le ministre lui-même. Il ne s'agit pas moins que de rétention d'information et de manipulation. « Ceci est un scandale de premier ordre, note le rédacteur en chef du magazine. Et pas uniquement pour un gouvernement qui se targue de défendre la démocratie et la transparence. Une affaire semblable contribue à la défiance des citoyens envers la politique. »

Habeck dément les informations de Cicero

Le jour du premier anniversaire de la sortie du nucléaire, Robert Habeck déclarait radieux que tout s'était bien passé, que l'Allemagne n'avait pas connu de carences énergétiques. Pari gagné. « Toutes ces prévisions pessimistes, répète-t-il aujourd'hui, ne se sont pas réalisées. L'approvisionnement énergétique a été entièrement assuré, le prix de l'énergie a baissé. Nous nous en sommes très bien sortis. » Habeck dément les informations de Cicero : « Ces allégations selon lesquelles certaines informations secrètes ne seraient pas parvenues jusqu'à moi sont fausses. »

À LIRE AUSSI Fin des moteurs thermiques : les coulisses du clash entre l'Allemagne et l'EuropeCes révélations risquent fort, pourtant, de porter préjudice à ce ministre longtemps enfant chéri des médias et pressenti pour représenter les Verts aux prochaines législatives de l'automne 2025. Aucune personnalité politique allemande ne polarise autant que Robert Habeck. Si pour les uns, il est porteur d'espoir, les autres rêvent d'avoir sa peau. Certains réclament qu'une enquête parlementaire fouillée soit ouverte, d'autres exigent déjà sa démission.

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