L’ALLEMAGNE SOUS LE CHOC APRèS L’AGRESSION ULTRAVIOLENTE D’UN EURODéPUTé

La pommette et l'orbite de l'?il fracturées, des hématomes sur tout le visage? Matthias Ecke, 41 ans, député européen et tête de liste du Parti social-démocrate aux européennes pour la Saxe, a fini une paisible journée de campagne à l'hôpital, grièvement blessé. Un petit groupe d'agresseurs s'est rué sur lui en fin de soirée, vendredi 3 mai, alors qu'il était en train de coller ses affiches à Dresde.

Selon les témoins, quatre jeunes hommes vêtus de noir l'ont roué de coups de poing et de pied. Un témoin a identifié l'un des agresseurs comme appartenant à la mouvance d'extrême droite de la capitale de la Saxe dans l'ex-RDA. Les agresseurs ont réussi à prendre la fuite à l'arrivée de la police. L'un d'entre eux, âgé de 17 ans, a décidé, dimanche, de se livrer à la police. Il a reconnu avoir frappé l'eurodéputé. Trois autres jeunes ont été identifiés et arrêtés ce lundi. Parallèlement, un jeune bénévole de 28 ans, qui placardait des affiches pour les Grünen ? les Verts allemands ? pas très loin de là, a aussi été passé à tabac.

« Une menace pour la démocratie »

L'Allemagne est sous le choc. « Non seulement ces agressions contre des personnes sont totalement inadmissibles, mais elles constituent aussi des attaques contre le c?ur de notre démocratie », a déclaré Armin Schuster, le ministre de l'Intérieur chrétien-démocrate de Saxe. Pour Michael Kretschmer, ministre-président CDU de ce Land où l'extrême droite, déjà très forte, risque encore de réaliser un score important le 9 juin, « les agressions et les tentatives d'intimidation contre les rivaux politiques rappellent l'époque la plus sombre de notre histoire », une allusion à l'époque du national-socialisme.

À LIRE AUSSI L'extrême droite allemande secouée par des affaires d'espionnageCes condamnations ont été reprises en ch?ur par l'ensemble de la classe politique, tous partis confondus. Le chancelier Scholz est immédiatement monté au créneau pour rappeler que ces agressions sont inadmissibles et doivent être prises au sérieux : « Elles représentent une menace pour la démocratie. C'est pourquoi les accepter avec un haussement d'épaules ne représente jamais une option. Nous devons serrer les rangs pour empêcher qu'un tel acte ne se reproduise. »

La ministre sociale-démocrate de l'Intérieur, Nancy Faeser, veut convoquer à une conférence extraordinaire les ministres de l'Intérieur des seize Länder pour décider d'un paquet de mesures destinées à endiguer la violence. « La présence policière sur place doit être renforcée, les candidats et les bénévoles doivent être davantage protégés et les ennemis de la démocratie doivent être sévèrement punis » a fait savoir la ministre.

Attaques physiques et verbales

Dimanche soir, une manifestation spontanée a eu lieu à Dresde et devant la porte de Brandebourg à Berlin, où un millier de personnes s'étaient rassemblées sous la bannière « La violence n'a pas de place dans notre démocratie ! ». Les deux organisations qui ont appelé à la manifestation sont les mêmes qui, au mois de février dernier, battaient le rappel pour protester contre l'extrême droite.

Des centaines de milliers de personnes avaient, plusieurs semaines durant, défilé dans les rues des villes allemandes pour s'insurger contre la conférence secrète qui s'était tenue à Potsdam et à laquelle participaient des membres de l'AfD. Leur projet était, entre autres, l'expulsion en masse des migrants.

À LIRE AUSSI « Le califat, c'est la solution ! » : scandale en Allemagne après une manifestation d'islamistesCette agression contre un homme politique scandalise d'autant plus qu'elle n'est pas la première. Attaques physiques et verbales, tentatives d'intimidation, destruction des affiches électorales marquent la campagne pour les européennes. Jeudi 2 mai, à Essen, dans la Ruhr, un député vert au Bundestag, le Parlement allemand, et un de ses collègues ont été agressés. La semaine précédente, deux membres des Verts à Chemnitz et à Zwickau, deux villes de l'ancienne RDA, ont été attaqués alors qu'ils collaient des affiches. Et en Basse-Saxe (à l'Ouest), c'est un député au parlement local du parti d'extrême droite AfD qui a été attaqué alors qu'il tenait un stand d'information.

« Atmosphère de plus en plus agressive »

Un peu plus tôt dans la semaine, Katrin Göring-Eckardt, tête de proue des Verts, vice-présidente du Bundestag, l'une des personnalités politiques les plus en vue d'Allemagne, faisait les frais de la colère d'une quarantaine de manifestants rassemblés devant le lieu où elle venait de tenir un meeting électoral. Alors qu'elle sortait de la salle de réunion dans le petit village de Lunow, aux confins de la frontière polonaise dans le Brandebourg, et qu'elle s'apprêtait à monter dans sa voiture pour repartir, ses agresseurs ont bloqué son véhicule, scandé des paroles haineuses et tapé à coups de poing sur le capot.

La police a mis quarante-cinq minutes pour débloquer la situation. Le syndicat de la police affirme que les forces de l'ordre sont « bien conscientes de l'atmosphère de plus en plus agressive autour des réunions politiques » et rappellent que, en particulier dans les régions rurales, il n'est pas facile d'intervenir rapidement. Katrin Göring-Eckardt s'est plainte de la lenteur de cette réaction et a exigé une protection accrue pour les meetings politiques.

À LIRE AUSSI Ces « citoyens du Reich » qui préparaient un coup d'État en AllemagneUn incident qui rappelle l'attaque dont avait été victime Robert Habeck, ministre vert de l'Économie, au mois de janvier. Des agriculteurs en colère l'attendaient à l'embarcadère de son ferry-boat. Il revenait de vacances et était resté bloqué pendant plusieurs heures à bord du bateau.

Les Grünen sont, davantage que les autres partis, la cible de telles attaques même si elles touchent l'ensemble des mouvements politiques, à l'Est comme à l'Ouest. Mais une étude commanditée au Bundestag par l'AfD indique que la tendance est en train de nettement s'inverser : alors qu'en 2019 ce sont les sympathisants et les représentants du parti d'extrême droite qui étaient la cible d'agressions, aujourd'hui les Verts arrivent en tête.

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