DES "CENTRALES NUCLéAIRES" FLOTTANTES DANS LE PACIFIQUE : LE PROJET CHINOIS QUI SèME LA PANIQUE AUX ÉTATS-UNIS

Les projets chinois de réacteurs nucléaires flottants dans le Pacifique inquiètent vivement Washington, dans un contexte de regain des tensions en mer de Chine méridionale.

La mer de Chine méridionale (ou mer de Chine du Sud) ne cesse de faire parler d’elle. Les incidents se sont notamment multipliés ces derniers mois entre des gardes-côtes chinois et des navires philippins, actuellement en phase d’exercices militaires conjoints avec les États-Unis.

L’île de Taïwan, convoitée par Pékin, a encore une fois vendredi 3 mai rapporté la présence de plusieurs dizaines d’avions et de bateaux chinois autour de sa frontière maritime, rapporte l’AFP. De fait, la Chine estime avoir des "droits historiques" sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, qui fournit 12% de la pêche mondiale et accueille un tiers du commerce maritime mondial, rappelle le Washington Post. Une activité qui justifie pour Pékin une présence militaire qui n’a cessé de s’accroître ces dernières décennies.

Aujourd’hui, les autorités américaines craignent le développement chinois de "centrales nucléaires flottantes" en mer de Chine méridionale. Selon ​​l'amiral John Aquilino, alors au commandement américain pour l'Indo-Pacifique, cité par le Washington Post, "les médias d'État chinois ont déclaré publiquement que Pékin avait l'intention de les utiliser pour renforcer son contrôle militaire sur la mer de Chine méridionale, en faisant valoir ses revendications territoriales illégales".

"Plus ils se rapprochent du déploiement de centrales nucléaires flottantes, plus vite ils les utiliseront à des fins contraires à la sécurité nationale des États-Unis et à la sécurité plus large de la région", a abondé un haut fonctionnaire du département d'État lors d'une interview.

Des réacteurs flottants sur des îles artificielles

Dans une étude de 2020, l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) notait que la priorité du gouvernement chinois est le développement de centrales nucléaires flottantes, permettant notamment d’alimenter en électricité les bases militaires chinoises en mer de Chine méridionale.

La Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme, qui diligente les projets nucléaires de Pékin, a approuvé trois types de réacteurs électriques flottants, qui sont donc actuellement en cours de développement. Selon un rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) datant de 2022 et cité par le Washington Post, la construction de l'un d'entre eux devrait commencer cette année, tandis qu'un autre en est au stade de la conception détaillée.

Dans un article de 2016 déjà, le Global Times Online (LIEN) estimait que "chaque île et récif de la mer de Chine méridionale, associé à une plateforme nucléaire flottante, est essentiellement un porte-avions à propulsion nucléaire équipé d'avions de combat et de systèmes de missiles. Leur avantage militaire dépasse de loin celui d'une flotte de porte-avions américains venant de loin". Contrairement aux sous-marins nucléaires américains, qui ne fonctionnent qu'à faible puissance dans le port, ces réacteurs pourraient tourner probablement à forte puissance presque tout le temps.

Dans un contexte de tensions avivées entre la Chine et les États-Unis, les inquiétudes de Washington pourraient s’avérer fondées.

Extension chinoise dans le Pacifique

Depuis une décennie, Pékin construit des îles artificielles sur des atolls et des récifs coralliens en mer de Chine du Sud. Plusieurs "confettis" terrestres, sortis de la mer en quelques mois, avaient notamment été photographiés en 2022 par satellites dans l’archipel des Spratley, relevait alors Bloomberg.

Malgré l'engagement pris en 2015 par le président Xi Jinping de ne pas militariser les îles, la Chine a placé sur ces bouts de terre stratégiques des batteries anti-navires et antiaériennes. Des navires de ports sont amarrés dans les eaux turquoises des archipels, et des pistes d'atterrissages barrent d’un trait gris les plages de sables blancs.

En 2016, le Global Times Online a rapporté que le gouvernement chinois prévoyait de déployer 20 réacteurs flottants dans la mer de Chine méridionale pour soutenir le développement commercial, l'exploration pétrolière et le dessalement de l'eau de mer. Depuis, leur développement s’est militarisé.

Jusqu’alors, la Russie est le seul pays à utiliser une centrale nucléaire flottante, l'Akademik Lomonosov, conçue et exploitée par Rosatom, qui est devenue opérationnelle en décembre 2019.

Pour cause : le développement de ces barques flottantes chargées d’un réacteur suscite les craintes de nombreux observateurs. Ainsi, rapporte le Washington Post, des scientifiques et des écologistes alertent sur les risques d’accidents en mer, qui pourraient entraîner la libération dans l’océan de contaminants radioactifs, à l’instar du drame de Fukushima au Japon en 2011.

Des risques nucléaires incontrôlés

Sur les centrales flottantes, "il n'est pas possible de disposer d'une enceinte de confinement en béton armé épaisse, étanche et de grande taille, comme c'est le cas pour de nombreuses centrales terrestres" détaille pour le média américain Edwin Lyman, physicien et directeur de la sécurité de l'énergie nucléaire à l'Union of Concerned Scientists.

Et les risques de chahut en mer de Chine méridionales sont légions : attaque malveillante par les airs, sabotage par sous-marin, tsunami ou tempêtes (le bassin du Pacifique est la région du monde la plus exposée aux tsunamis).

Gregory Poling, qui dirige l'Asia Maritime Transparency Initiative au Center for Strategic and International Studies (Centre d'études stratégiques et internationales), se veut lui rassurant : "Nous en entendons parler depuis près de dix ans, et il n'y a pas de réacteur". Pour prévenir l’éventuelle future installation de plateforme susceptibles contaminer une partie du bassin la mer de chine méridionale, l’AIEA cherche à établir des normes sur leur utilisation, mais la Chine est-elle prête à écouter ?

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