TRUMP-HARRIS : QUE DISENT LES SONDAGES à 50 JOURS DE L’éLECTION (ET COMMENT BIEN LES LIRE) ?

Tous les quatre ans, c’est le même manège. Les débats entre les principaux candidats à la Maison-Blanche, à l’image du duel qui a opposé Kamala Harris et Donald Trump le 10 septembre, lancent symboliquement la campagne présidentielle américaine pour les observateurs français (alors qu’elle a commencé il y a au moins un an) et, immédiatement, se pose la sempiternelle question : que disent les sondages ?

Or le fonctionnement de ce rendez-vous électoral a de quoi perturber le spectateur français, habitué à un scrutin relativement simple, direct et uninominal à deux tours. Quand l’élection américaine est indirecte, à un seul tour… et se joue à l’échelle des Etats.

Au niveau national, avantage Harris

Pour un électeur français, le sondage national constitue un phare dans la nuit électorale. Cela paraît donc évident de regarder les équivalents nationaux américains en vue du scrutin du 5 novembre. Las, ces sondages, nombreux, ne sont pas particulièrement éclairants : la candidate démocrate Kamala Harris est ainsi donnée en tête (47 % des intentions de vote contre 45 %) dans un sondage YouGov pour « The Economist », réalisé du 1er au 3 septembre et publié le 4 septembre, tandis que son rival républicain Donald Trump est devant (48 % contre 47 %) dans une étude « New York Times »-Siena College menée du 3 au 6 septembre et diffusée le 8 septembre. Des chiffres qui fluctuent, qui restent dans la marge d’erreur et qui pourront, de surcroît, évoluer.

Pour tenter d’atténuer ces oscillations, plusieurs plateformes américaines se sont spécialisées dans l’agrégation de sondages. « Le Nouvel Obs » s’est intéressé au travail réalisé par deux d’entre elles, véritables références dans le secteur : RealClearPolling, dépendant du site d’information politique RealClearPolitics, plutôt classé du côté républicain, en particulier depuis 2017, et FiveThirtyEight (538, étant le nombre de grands électeurs lors de la présidentielle américaine), rattaché à ABC News, penchant probablement légèrement à gauche. Leurs résultats divergent quelque peu. Certains y verront une influence de leur orientation politique, mais les deux agrégateurs ont aussi des méthodes de calcul différentes et ne reprennent pas forcément les mêmes instituts de sondage. FiveThirtyEight, notamment, va pondérer les différents sondages en fonction de ceux réalisés par le passé par le même institut et les résultats finalement obtenus. Il prend également en compte l’orientation politique des sondeurs, etc.

Donald Trump et le retour des « mangeurs de chiens »

Ses deux plateformes donnent actuellement Kamala Harris en tête, avec 48,4 % contre 47,3 % pour la première au 10 septembre (1,1 point d’avance) et avec 47 % contre 44,4 % pour la seconde au 11 septembre (2,6 points d’avance). Plus intéressante encore est l’évolution des chiffres de ces agrégateurs depuis le renoncement du président sortant Joe Biden à briguer un second mandat au profit de sa vice-présidente le 21 juillet.

Flourish - Moyenne des sondages nationaux au jour le jour (RCP)

Flourish - Moyenne des sondages au jour le jour (538)

Dans le premier cas, les courbes se sont croisées début août au bénéfice de Kamala Harris. Dans le second, la candidate démocrate n’a cessé d’augmenter son avance avant un petit tassement en septembre.

Ce que nous voyons très bien avec les chiffres de l’évolution de l’écart entre les deux candidats au jour le jour, selon ces mêmes agrégateurs.

Flourish - Ecart entre Kamala Harris et Donald Trump (RCP)

Flourish - Ecart entre Kamala Harris et Donald Trump (538)

Si les sondages nationaux donnent donc l’avantage à Kamala Harris (malgré un tassement début septembre, l’effet « surprise » s’étant dissipé), ils n’ont qu’une pure valeur indicative, puisque l’élection américaine se joue donc à l’échelle des Etats, par l’intermédiaire de l’élection de grands électeurs qui, ensuite, désignent formellement le président américain. Il est donc possible, mathématiquement, d’obtenir plus de 50 % des voix, c’est-à-dire de remporter ce qui est désigné comme « le vote populaire », mais de perdre l’élection américaine, comme ce fut le cas pour Hillary Clinton en 2016 face à… Donald Trump.

L’élection va sans doute se jouer dans sept « Swing States »

Il est donc nécessaire de se pencher sur la situation (et donc, les sondages) dans chaque Etat. Globalement, les plateformes d’agrégation de sondages, comme les sites d’information américains, dessinent une situation actuelle similaire : Donald Trump l’emporterait dans 24 Etats, Kamala Harris dans 19 et dans le district de Washington. Sept sont présentés comme indécis. Ce sont les fameux Swing States, des Etats qui peuvent basculer d’un côté comme de l’autre. Sans oublier la deuxième circonscription du Nebraska (l’Etat, qui bénéficie de cinq grands électeurs, dispose d’un système différent des autres Etats, sans « winner takes all »).

Flourish - Cartes des résultats des élections sénatoriales

En comparant avec les résultats des précédents scrutins, il est aisé de remarquer que ces Etats ne sont pas toujours exactement les mêmes, en raison le plus souvent de tendances démographiques de long terme, propres à chaque Etat, ou de la personnalité des candidats. Lors des élections de Barack Obama en 2008 et 2012, les médias s’intéressaient ainsi beaucoup à l’Iowa et à l’Ohio ; avec Donald Trump, ce sont bien plus la Géorgie et la Pennsylvanie qui sont citées.

Complication supplémentaire, chaque Etat ne « rapporte » pas le même nombre de grands électeurs : de trois pour l’Alaska ou le Delaware à 54 pour la Californie.

Programme économique de Kamala Harris : qui a peur des « Kamalanomics » ?

En se basant sur la répartition précédente, voici le nombre de grands électeurs que nous pouvons, fictivement, « attribuer » à chacun des candidats.

Flourish - Répartition des grands électeurs

L’équilibre est presque parfait : 225 grands électeurs pour Kamala Harris, 219 pour Donald Trump et 94 pour les sept Swing States et la deuxième circonsciption du Nebraska. Il en faut 45 à la candidate démocrate pour remporter l’élection, 51 à son adversaire républicain.

Quelles tendances dans les « Swing States » ?

Examinons désormais ces fameux Swing States. Voici les dernières moyennes de sondages dans chacun de ces Etats (à gauche, en bleu et rouge) et, surtout, les tendances des six dernières semaines (à droite, en vert : plus la courbe monte, plus la tendance est favorable à Kamala Harris ; plus elle baisse, plus c’est Donald Trump qui prend l’avantage). Evidemment, c’est le principe des Swing States, les sondages sont dans la marge d’erreur.

Flourish - Les 7 Swing states (RCP)

Flourish - Les 7 Swing states (538)

Une nouvelle fois, les niveaux divergent légèrement entre les deux agrégateurs, mais les tendances sont très similaires.

Que peut-on en déduire ? Dans deux Etats à tendance démocrate (exception faite de 2016), le Michigan (15 grands électeurs) et le Wisconsin (10), Kamala Harris dispose, selon les deux plateformes, d’une avance confortable. Il n’est pas insensé de penser que l’actuelle vice-présidente devrait s’y imposer. A l’inverse, dans deux Etats historiquement républicains (excepté en 2020), Arizona (11) et Géorgie (16), les écarts sont soit infimes, soit au bénéfice de l’ex-président (malgré un petit passage à vide en août). Quelle serait la répartition en termes de grands électeurs si ces Etats tombaient dans l’escarcelle de Donald Trump ?

Flourish - Répartition des grands électeurs (2)

Ne restent plus que 42 grands électeurs indécis, dans trois Swing States décisifs : les 19 de la Pennsylvanie (trois fois démocrate lors des quatre dernières élections), les 6 du Nevada (systématiquement démocrate depuis 2008) et les 16 de Caroline du Nord (républicaine en 2020, 2016 et 2012, démocrate en 2008). Ainsi qu’un des cinq grands électeurs du Nebraska.

Avec le grand électeur du Nebraska (elle dispose d’une bonne avance) et la seule Pennsylvanie, Kamala Harris remporterait l’élection, avec… exactement le nombre minimal de 270 grands électeurs. A l’inverse, si elle perd la Pennsylvanie, il lui faudrait remporter le Nevada et la Caroline du Nord. Actuellement, FiveThirtyEight la donne justement gagnante en Pennsylvanie, mais RealClearPolling donne les deux rivaux à égalité, avec toutefois une progression importante de la démocrate depuis sa désignation comme candidate (elle accusait un retard de 2,2 points début août).

« On se prépare à des élections très serrées » : en Caroline du Nord, démocrates et républicains prêts pour la grande bataille

En Caroline du Nord, la candidate démocrate est respectivement donnée légèrement en avance ou à égalité avec son adversaire républicain. Mais, dans les deux cas, la dynamique est une nouvelle fois très largement en sa faveur. Donald Trump était en effet largement en tête dans cet Etat début août, ce qui n’est plus du tout le cas (1,1 point d’avance début août selon 538, 3 points d’avance d’après RCP).

Reste le Nevada où RCP affiche, encore une fois, une dynamique en faveur de la démocrate, mais où FiveThirtyEight montre à l’inverse un tassement de l’avance que la plateforme lui avait attribué depuis début août.

Kamala Harris face à Donald Trump : « L’Amérique découvre une femme sincère et solide, avec une chaleur humaine et une force morale réelle »

Si les sondages ne sont qu’une photo à l’instant T de la situation politique dans une élection complexe (51 élections en réalité, dans des Etats parfois plus grands que la France !), ils donnent donc toutefois l’avantage à Kamala Harris, en lui attribuant une belle progression depuis début août, au détriment de Donald Trump. Charge à elle, désormais, de ne pas casser cette dynamique. Mission accomplie lors du débat télévisé du 10 septembre pour lequel les Américains jugent, à 63 % – selon un sondage de SSRS pour CNN à l’issuel du duel –, qu’elle a réalisé une meilleure performance que son adversaire.

Insuffisant, toutefois, pour en conclure dès maintenant qu’elle s’installera dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche en janvier 2025. Ce qu’un historien américain n’a, lui, pas hésité à affirmer, en s’appuyant sur une méthode décrite comme infaillible, celle des « 13 clés », c’est-à-dire des treize conditions à remplir pour remporter l’élection.

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