Le discours d’investiture de Donald Trump, un «sérieux coup de pied au derrière pour les capitales européennes», a déclaré Sébastien Lecornu. Interrogé sur France Inter, mardi 21 janvier, au lendemain de la cérémonie d’investiture du 47e président des Etats-Unis, le ministre des Armées a souligné l’urgence pour l’Union européenne (UE) d’«enfin définir un cadre d’autonomie européenne».
«Peut-être que la brutalité des mots du président (américain) peut enfin conduire à un choc et à une prise de conscience», a poursuivi le ministre. Les pays européens ont «depuis de nombreuses décennies, la tentation de se mettre sous le parapluie nucléaire américain», a réagi Sébastien Lecornu. «Vouloir acheter plus d’armes aux Etats-Unis est un contresens historique», a-t-il ajouté en écho aux propos du président de la République. Lundi 20 janvier, Emmanuel Macron a plaidé pour un «réveil stratégique européen» au cours de ses vœux aux armées, pour faire face «si notre allié américain» se désengage du Vieux Continent, après l’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.
En début de semaine, Stéphane Séjourné, commissaire européen, a pourtant évoqué l’idée d’un «deal» entre l’UE et l’Amérique sur la défense européenne en échange de la paix commerciale. Après son investiture lundi, Donald Trump a pris toute une série d’executive orders, des décrets similaires aux lois. Au cours de ses différents discours, l’époux de Melania Trump est revenu avec force sur son programme électoral, égrenant plusieurs mesures dont la hausse des droits de douane pour les produits étrangers.
«Nous envisageons (des droits de douane) de l'ordre de 25% sur le Mexique et le Canada, parce qu'ils laissent un grand nombre de personnes (...) entrer (aux Etats-Unis), et beaucoup de fentanyl (un opioïde) aussi», a déclaré le nouveau président américain depuis la Maison Blanche, quelques heures après son investiture. Les droits de douane pourraient grimper jusqu’à 60% pour les produits chinois.
L’Europe, qui exporte plus de produits vers le Vieux Continent qu’elle n’en importe, n’est pas épargnée. Les Européens «sont durs, très durs. Ils n’achètent pas nos voitures, ni nos produits agricoles, ils n’achètent presque rien», a signalé Donald Trump, lundi soir. «Nous allons donc régler ce problème en imposant des droits de douane ou en obligeant les Européens à acheter notre pétrole (...) et notre gaz», a poursuivi le milliardaire.
L'Union européenne est «prête à défendre ses intérêts économiques» si nécessaire, a assuré lundi à Bruxelles le commissaire européen à l'Économie, Valdis Dombrovskis, après une réunion des ministres des finances à Bruxelles. Un potentiel conflit commercial aurait un «coût économique substantiel pour tout le monde, y compris les États-Unis», a-t-il poursuivi.
Parmi les premiers executive orders pris par Donald Trump, on retrouve la sortie de l’Accord de Paris. Adopté en 2015 et signé par la quasi-totalité des pays du monde, l’accord vise, pour rappel, à maintenir l’augmentation de la température moyenne de la planète en dessous de 2 degrés par rapport au niveau pré-industriel. Donald Trump avait déjà ordonné le retrait de l’accord lors de son premier mandat mais Joe Biden avait supprimé la mesure à son arrivée à la présidence des Etats-Unis.
Pour autant, l’accord devrait survivre au départ du deuxième plus gros pollueur mondial après la Chine, estiment diplomates et experts, rapporte l’AFP. L’accord «est un pacte qui dépasse les Etats-Unis», insiste Frances Colon, du Center for American Progress, un centre de réflexion proche des démocrates américains. «La porte reste ouverte», a réagi le chef de l’ONU Climat, Simon Stiell. L’Union européenne a une longue tradition de leadership climatique et a réduit ses émissions de 7,5% entre 2022 et 2023, loin devant les autres grands pays riches.
En parallèle, Donald Trump, qui ne cache pas son climatoscepticisme, s’est engagé à «forer à tout va» revenant sur de nombreuses mesures climatiques prises par son prédécesseur. Le président américain a décrété un état d’«urgence énergétique» afin d’encourager la production de pétrole et de gaz du pays, déjà premier producteur mondial.
Autre mesure choc de Donald Trump : le retrait de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le président américain a, par le passé, vivement critiqué l'organisme pour sa gestion de la pandémie de Covid-19. «L’OMS nous a escroqués», a-t-il déclaré en signant le décret visant à «suspendre le transfert futur de tout fonds, soutien ou ressource du gouvernement des Etats-Unis à l’OMS». En effet, le pays est le principal donateur et partenaire de cette organisation onusienne. Selon l'OMS, ils contribuent à son financement via une cotisation indexée sur leur PIB, mais aussi par le biais de contributions volontaires. Leur départ de l'organisation devrait déclencher une restructuration importante de l'institution et pourrait nuire aux efforts mondiaux en matière de santé publique, notamment de surveillance et de lutte contre les épidémies.
Selon un rapport du Conseil européen des relations internationales (ECFR), basé sur un sondage auprès de 28 000 personnes dans 24 pays du monde, les Européens sont plus inquiets de la présidence de Donald Trump. «Les dirigeants européens pourraient avoir du mal à trouver une unité interne ou des alliés dans le monde s'ils essayent de mettre en place une résistance» au nouveau président, prévient l'ECFR.
2025-01-21T11:43:46Z